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vendredi 20 janvier 2012

Le Sénat décide d'appliquer une laïcité de fer à la petite enfance MEDIAPART 20 JANVIER 2012 | PAR LÉNAÏG BREDOUX


·         La laïcité, une question qui embarrasse la gauche

 

Le clivage est profond. La nouvelle majorité sénatoriale a adopté une proposition de loi étendant le principe de laïcité à la prise en charge de la petite enfance. Mais sans parvenir à faire consensus dans ses rangs, y compris au sein du groupe socialiste, sur un terrain pollué par Marine Le Pen et les débats récurrents sur l'interprétation de la loi de 1905.

Le texte adopté par une poignée de sénateurs, tard dans la soirée de mardi, prévoit que les crèches qui bénéficient d'un financement public soient soumises à une « obligation de neutralité en matière religieuse ». Soit la transcription dans la loi de la jurisprudence Baby Loup, du nom de cet établissement dont la directrice avait licencié une salariée qui portait le voile. A l'époque, la directrice avait reçu le soutien de nombreuses personnalités de droite et de gauche, ainsi que de la justice, mais sa décision avait été décriée par une partie de l'opposition et des associations anti-islamophobie.

Le texte voté mardi par le Sénat stipule également que les crèches confessionnelles peuvent continuer à afficher des signes religieux. Mais si elles bénéficient d'une aide publique, elles doivent accepter d'accueillir tous les enfants.

Enfin, et c'est la partie la plus polémique du texte, l'article 3 prévoit d'étendre l'obligation de « neutralité » aux assistants maternels. Concrètement, soit les nounous n'affichent aucun signe religieux – sur elles, ou bien à leur domicile, par exemple sur les murs –, soit elles doivent stipuler sur leur contrat de travail leurs convictions. Une mesure qui a provoqué une bronca d'une partie des élus de gauche, mais aussi de plusieurs sénateurs UMP. Les débats, entamés le 7 décembre dernier, furent si vifs dans l'hémicycle que le vote avait dû être reporté. Jusqu'à mardi.

La proposition a finalement été adoptée par la totalité des radicaux de gauche, à l'origine du texte, la majorité des socialistes et une partie des élus UMP et centristes. Mais les communistes se sont abstenus et les écologistes ont voté contre. Tout comme une partie des sénateurs PS comme le maire de Roubaix, René Vandierendonck, et l'ancien maire de Clichy-sous-Bois, Claude Dilain.

La nouvelle majorité sénatoriale a donc étalé sa profonde divisionentre, d'un côté, ceux qui estimaient que l'affaire Baby Loup avait illustré un vide juridique et une montée inquiétante des communautarismes, et, de l'autre, ceux qui craignent une montée de l'islamophobie et une restriction de la liberté de conscience. Entre les deux extrêmes, s'étend une palette, parfois complexe, de positionnements déjà affichés lors des débats sur les prières de rue, le port du voile à l'école ou les restaurants hallal.

 

Protéger les enfants ?

Parmi les tenants d'une laïcité très restrictive, on trouve d'abord les Radicaux de gauche, dont c'est l'ADN politique. Ce sont eux qui sont à l'origine du texte, et plus précisément la sénatrice de Haute-Garonne, Françoise Laborde, auteure d'une première mouture, bien plus radicale encore que le texte adopté. Pour l'élue, il s'agissait de protéger les « jeunes enfants, des êtres particulièrement vulnérables » de tout affichage religieux. Devant ses collègues sénateurs, elle en avait appelé début décembre à la « philosophie des Lumières » et aux « aînés » de 1905, Aristide Briand, Gambetta et Emile Combes.

Un discours que revendique aussi le parti de Jean-Luc Mélenchon, qui avait présenté début avril, en plein débat UMP sur la laïcité, un projet de loi durcissant celle de 1905 et qui prévoyait, déjà, d'étendre son principe à la petite enfance. « On se réjouit du texte voté par le Sénat, explique Pascale Le Neouannic, secrétaire nationale à la laïcité du Parti de gauche, dépourvu de sénateurs depuis le dernier scrutin. Le fait que la petite enfance soit assumée par le secteur privé ne veut pas dire qu'on fait ce qu'on veut. »

Selon cette proche de Mélenchon, il ne s'agit pas de « tout cacher »au domicile des assistants maternels, mais de « faire attention dans la salle où on accueille les enfants ». « On a le droit de croire, bien sûr, mais sans l'afficher », dit Le Neouannic, avant de comparer un assistant maternel qui ferait du prosélytisme à un« conducteur de train qui ne saurait pas conduire ». A la question de savoir si elle juge qu'une assistante maternelle pourrait porter le voile, elle répond : « Cela dépend du voile. Si c'est un fichu traditionnel ou bien si c'est un voile qui revendique une expression religieuse. Dans ce cas, on vous demande de le retirer pour l'enfant. »

Le PS, lui, est plus nuancé. L'ancien ministre Alain Richarda produit un important travail d'amendements sur le texte des Radicaux de gauche pour l'affiner et, finalement, adoucir les restrictions imposées aux crèches confessionnelles et aux assistants maternels. La loi votée prévoit finalement que les parents doivent être avertis des convictions de leurs employés. « Les assistants maternels devront simplement avoir prévenu les parents. Finalement, ce sont les femmes voilées qui seront les moins touchées car, au premier contact, on sait à quoi s'en tenir... », promet-il.

L'ancien ministre de Lionel Jospin est en revanche furieux de la polémique suscitée par le vote du Sénat. « Il y a un petit noyau islamiste qui a développé une petite campagne par mail pour dénoncer une loi islamophobe », explique-t-il d'emblée. Il dit avoir subi des pressions et des « menaces électorales ».

Dans sa ligne de mire : plusieurs associations, comme le collectif Mamans toutes égales ou la Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI) qui avait appelé à manifester mardi devant le Sénat. Celle-ci dénonce un « ping-pong islamophobe entre la droite et la gauche » : « Nous refusons que la campagne du Parti socialiste soit une occasion de chasser sur les terres de l'extrême droite en jetant les musulmanes en pâture à une opinion publique en attente de réponses économiques et sociales. » « Toute la communauté musulmane est en émoi. On prépare une pétition », précise le responsable du CRI, Abdelaziz Chaambi.

Selon Alain Richard, seule une quinzaine de socialistes étaient en désaccord avec le texte (sur 140). D'eux et de ses partenaires écologistes et communistes, le sénateur dit qu'ils « sont des gens vulnérables à ce type de pressions et qu'ils ont peur de déranger le monde musulman... Le PCF a les chocottes parce qu'ils ne peuvent plus se permettre de perdre des voix. Alors dans les élections, ils prennent ce qu'ils trouvent ». Puis il conclut : « Tout cela, c'est un joli progrès du communautarisme ! »

 

Un loi islamophobe ?

L'argument est balayé par la sénatrice communiste des Bouches-du-Rhône Isabelle Pasquet. Selon elle, son groupe était avant tout soucieux des éventuelles complications induites par le texte, et notamment par l'article 3 sur les assistants maternels. « Imaginez un assistant maternel qui signe son contrat mais n'est pas pratiquant à ce moment-là... Son "engagement religieux" peut évoluer au fil du temps. Comment fait-on alors ? Si une assistante se met à porter le voile, est-ce un motif de licenciement ? Et puis comment mesurer cet "engagement" prévu par le texte ? La laïcité doit garder un esprit d'ouverture. Là, on enferme trop », détaille l'élue marseillaise.

Ce sont les mêmes arguments qui ont convaincu les socialistes dissidents à ne pas voter le texte. « Non, il ne faut pas laisser Marine Le Pen instrumentaliser la laïcité et Alain Richard a beaucoup travaillé pour échafauder un système séduisant », explique le sénateur et maire de Roubaix René Vandierendonck. Mais il ne se résout pas à l'article sur les assistants maternels : « Le raisonnement juridique est beau mais il se heurte à la réalité. Cela va être une intrusion excessive dans la sphère privée d'une laïcité qui n'a pas lieu d'être. » Sans compter, témoigne l'élu du Nord, que « dans ma ville, les gens se sentent agressés par cette disposition ».


Plus radicale encore, la sénatrice Europe Ecologie-Les Verts, Esther Benbassa, rapporteuse sur le vote des étrangers aux scrutins locaux, a bataillé dans l'hémicycle contre l'ensemble du texte. « Il ne faut pas faire de la laïcité une religion, tempête-t-elle. Les gens ne se rendent pas compte qu'ils vont finir islamophobes... A gauche et à droite, c'est à qui fera le plus de zèle ! Car qu'on ne me dise pas qu'on a fait cette loi pour les nounous juives avec une perruque ou catholiques avec une croix ! C'est une énième loi sur le foulard... »

Une position partagée par l'ensemble du groupe EELV et par plusieurs experts de la laïcité, comme le chercheur Jean Baubérot (voir son blog sur Mediapart). « Après les déclarations de Marine Le Pen, c'est comme si la gauche devait reprendre en main la laïcité mais en hypertrophiant la neutralité de l'espace public prévu dans la loi de 1905. C'est une atteinte aux libertés,explique-t-il. La gauche est un train de se fourvoyer et elle sera forcément perdante car Marine Le Pen sera forcément plus laïco-islamophobe qu'elle !»  

Paradoxalement, pour des raisons en partie tactiques, les sénateurs de droite n'ont pas tous approuvé le texte. Une bonne partie d'entre eux se sont abstenus et le représentant du gouvernement, le ministre Philippe Richert, avait appelé à voter contre. Il avait estimé, début décembre, que « les auteurs de la proposition de loi bousculent les grands équilibres établis depuis plus de cent ans autour du principe de laïcité ». Tout en défendant l'interdiction du niqab dans l'espace public ainsi que les déclarations de Claude Guéant sur les prières de rue !

Au bout du compte, le texte pourrait rester lettre morte : il n'a quasiment aucune chance d'être examiné par l'Assemblée nationale avant les élections. Et rien ne dit que la prochaine majorité en fasse une priorité. A moins qu'une énième polémique médiatique ne remette le sujet au devant de l'actualité.

 ·         La laïcité, une question qui embarrasse la gauche

 

Le clivage est profond. La nouvelle majorité sénatoriale a adopté une proposition de loi étendant le principe de laïcité à la prise en charge de la petite enfance. Mais sans parvenir à faire consensus dans ses rangs, y compris au sein du groupe socialiste, sur un terrain pollué par Marine Le Pen et les débats récurrents sur l'interprétation de la loi de 1905.

Le texte adopté par une poignée de sénateurs, tard dans la soirée de mardi, prévoit que les crèches qui bénéficient d'un financement public soient soumises à une « obligation de neutralité en matière religieuse ». Soit la transcription dans la loi de la jurisprudence Baby Loup, du nom de cet établissement dont la directrice avait licencié une salariée qui portait le voile. A l'époque, la directrice avait reçu le soutien de nombreuses personnalités de droite et de gauche, ainsi que de la justice, mais sa décision avait été décriée par une partie de l'opposition et des associations anti-islamophobie.

Le texte voté mardi par le Sénat stipule également que les crèches confessionnelles peuvent continuer à afficher des signes religieux. Mais si elles bénéficient d'une aide publique, elles doivent accepter d'accueillir tous les enfants.

Enfin, et c'est la partie la plus polémique du texte, l'article 3 prévoit d'étendre l'obligation de « neutralité » aux assistants maternels. Concrètement, soit les nounous n'affichent aucun signe religieux – sur elles, ou bien à leur domicile, par exemple sur les murs –, soit elles doivent stipuler sur leur contrat de travail leurs convictions. Une mesure qui a provoqué une bronca d'une partie des élus de gauche, mais aussi de plusieurs sénateurs UMP. Les débats, entamés le 7 décembre dernier, furent si vifs dans l'hémicycle que le vote avait dû être reporté. Jusqu'à mardi.

La proposition a finalement été adoptée par la totalité des radicaux de gauche, à l'origine du texte, la majorité des socialistes et une partie des élus UMP et centristes. Mais les communistes se sont abstenus et les écologistes ont voté contre. Tout comme une partie des sénateurs PS comme le maire de Roubaix, René Vandierendonck, et l'ancien maire de Clichy-sous-Bois, Claude Dilain.

La nouvelle majorité sénatoriale a donc étalé sa profonde divisionentre, d'un côté, ceux qui estimaient que l'affaire Baby Loup avait illustré un vide juridique et une montée inquiétante des communautarismes, et, de l'autre, ceux qui craignent une montée de l'islamophobie et une restriction de la liberté de conscience. Entre les deux extrêmes, s'étend une palette, parfois complexe, de positionnements déjà affichés lors des débats sur les prières de rue, le port du voile à l'école ou les restaurants hallal.

 

Protéger les enfants ?

Parmi les tenants d'une laïcité très restrictive, on trouve d'abord les Radicaux de gauche, dont c'est l'ADN politique. Ce sont eux qui sont à l'origine du texte, et plus précisément la sénatrice de Haute-Garonne, Françoise Laborde, auteure d'une première mouture, bien plus radicale encore que le texte adopté. Pour l'élue, il s'agissait de protéger les « jeunes enfants, des êtres particulièrement vulnérables » de tout affichage religieux. Devant ses collègues sénateurs, elle en avait appelé début décembre à la « philosophie des Lumières » et aux « aînés » de 1905, Aristide Briand, Gambetta et Emile Combes.

Un discours que revendique aussi le parti de Jean-Luc Mélenchon, qui avait présenté début avril, en plein débat UMP sur la laïcité, un projet de loi durcissant celle de 1905 et qui prévoyait, déjà, d'étendre son principe à la petite enfance. « On se réjouit du texte voté par le Sénat, explique Pascale Le Neouannic, secrétaire nationale à la laïcité du Parti de gauche, dépourvu de sénateurs depuis le dernier scrutin. Le fait que la petite enfance soit assumée par le secteur privé ne veut pas dire qu'on fait ce qu'on veut. »

Selon cette proche de Mélenchon, il ne s'agit pas de « tout cacher »au domicile des assistants maternels, mais de « faire attention dans la salle où on accueille les enfants ». « On a le droit de croire, bien sûr, mais sans l'afficher », dit Le Neouannic, avant de comparer un assistant maternel qui ferait du prosélytisme à un« conducteur de train qui ne saurait pas conduire ». A la question de savoir si elle juge qu'une assistante maternelle pourrait porter le voile, elle répond : « Cela dépend du voile. Si c'est un fichu traditionnel ou bien si c'est un voile qui revendique une expression religieuse. Dans ce cas, on vous demande de le retirer pour l'enfant. »

Le PS, lui, est plus nuancé. L'ancien ministre Alain Richarda produit un important travail d'amendements sur le texte des Radicaux de gauche pour l'affiner et, finalement, adoucir les restrictions imposées aux crèches confessionnelles et aux assistants maternels. La loi votée prévoit finalement que les parents doivent être avertis des convictions de leurs employés. « Les assistants maternels devront simplement avoir prévenu les parents. Finalement, ce sont les femmes voilées qui seront les moins touchées car, au premier contact, on sait à quoi s'en tenir... », promet-il.

L'ancien ministre de Lionel Jospin est en revanche furieux de la polémique suscitée par le vote du Sénat. « Il y a un petit noyau islamiste qui a développé une petite campagne par mail pour dénoncer une loi islamophobe », explique-t-il d'emblée. Il dit avoir subi des pressions et des « menaces électorales ».

Dans sa ligne de mire : plusieurs associations, comme le collectif Mamans toutes égales ou la Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI) qui avait appelé à manifester mardi devant le Sénat. Celle-ci dénonce un « ping-pong islamophobe entre la droite et la gauche » : « Nous refusons que la campagne du Parti socialiste soit une occasion de chasser sur les terres de l'extrême droite en jetant les musulmanes en pâture à une opinion publique en attente de réponses économiques et sociales. » « Toute la communauté musulmane est en émoi. On prépare une pétition », précise le responsable du CRI, Abdelaziz Chaambi.

Selon Alain Richard, seule une quinzaine de socialistes étaient en désaccord avec le texte (sur 140). D'eux et de ses partenaires écologistes et communistes, le sénateur dit qu'ils « sont des gens vulnérables à ce type de pressions et qu'ils ont peur de déranger le monde musulman... Le PCF a les chocottes parce qu'ils ne peuvent plus se permettre de perdre des voix. Alors dans les élections, ils prennent ce qu'ils trouvent ». Puis il conclut : « Tout cela, c'est un joli progrès du communautarisme ! »

 

Un loi islamophobe ?

L'argument est balayé par la sénatrice communiste des Bouches-du-Rhône Isabelle Pasquet. Selon elle, son groupe était avant tout soucieux des éventuelles complications induites par le texte, et notamment par l'article 3 sur les assistants maternels. « Imaginez un assistant maternel qui signe son contrat mais n'est pas pratiquant à ce moment-là... Son "engagement religieux" peut évoluer au fil du temps. Comment fait-on alors ? Si une assistante se met à porter le voile, est-ce un motif de licenciement ? Et puis comment mesurer cet "engagement" prévu par le texte ? La laïcité doit garder un esprit d'ouverture. Là, on enferme trop », détaille l'élue marseillaise.

Ce sont les mêmes arguments qui ont convaincu les socialistes dissidents à ne pas voter le texte. « Non, il ne faut pas laisser Marine Le Pen instrumentaliser la laïcité et Alain Richard a beaucoup travaillé pour échafauder un système séduisant », explique le sénateur et maire de Roubaix René Vandierendonck. Mais il ne se résout pas à l'article sur les assistants maternels : « Le raisonnement juridique est beau mais il se heurte à la réalité. Cela va être une intrusion excessive dans la sphère privée d'une laïcité qui n'a pas lieu d'être. » Sans compter, témoigne l'élu du Nord, que « dans ma ville, les gens se sentent agressés par cette disposition ».


Plus radicale encore, la sénatrice Europe Ecologie-Les Verts, Esther Benbassa, rapporteuse sur le vote des étrangers aux scrutins locaux, a bataillé dans l'hémicycle contre l'ensemble du texte. « Il ne faut pas faire de la laïcité une religion, tempête-t-elle. Les gens ne se rendent pas compte qu'ils vont finir islamophobes... A gauche et à droite, c'est à qui fera le plus de zèle ! Car qu'on ne me dise pas qu'on a fait cette loi pour les nounous juives avec une perruque ou catholiques avec une croix ! C'est une énième loi sur le foulard... »

Une position partagée par l'ensemble du groupe EELV et par plusieurs experts de la laïcité, comme le chercheur Jean Baubérot (voir son blog sur Mediapart). « Après les déclarations de Marine Le Pen, c'est comme si la gauche devait reprendre en main la laïcité mais en hypertrophiant la neutralité de l'espace public prévu dans la loi de 1905. C'est une atteinte aux libertés,explique-t-il. La gauche est un train de se fourvoyer et elle sera forcément perdante car Marine Le Pen sera forcément plus laïco-islamophobe qu'elle !»  

Paradoxalement, pour des raisons en partie tactiques, les sénateurs de droite n'ont pas tous approuvé le texte. Une bonne partie d'entre eux se sont abstenus et le représentant du gouvernement, le ministre Philippe Richert, avait appelé à voter contre. Il avait estimé, début décembre, que « les auteurs de la proposition de loi bousculent les grands équilibres établis depuis plus de cent ans autour du principe de laïcité ». Tout en défendant l'interdiction du niqab dans l'espace public ainsi que les déclarations de Claude Guéant sur les prières de rue !

Au bout du compte, le texte pourrait rester lettre morte : il n'a quasiment aucune chance d'être examiné par l'Assemblée nationale avant les élections. Et rien ne dit que la prochaine majorité en fasse une priorité. A moins qu'une énième polémique médiatique ne remette le sujet au devant de l'actualité.

 

dimanche 15 janvier 2012

Le taux d'adhésion aux idées du FN est supérieur à celui de 2002


La hausse de 9 points, à 31 %, de l'adhésion aux idées du Front national révélée par le baromètre TNS Sofres réalisé pour France Info, Le Monde et Canal+, semble une bonne nouvelle pour Marine Le Pen, à cent jours du premier tour de l'élection présidentielle.

>> Lire : Près d'un tiers des Français sont d'accord avec les idées du FN

Dans sa note, l'institut de sondage précise que "cette porosité plus forte de l'opinion à l'égard des idées du FN correspond plus à une forme de banalisation du parti plutôt qu'à un fort regain d'adhésion à l'égard de ses idées phares, qui restent à des niveaux relativement stables". Ce qui signifie que le Front national ne constitue plus autant un repoussoir qu'auparavant. Et que les Français adhèrent plus à l'image globale portée par Mme Le Pen qu'au détail de ses propositions.

Qu'en était-il lors des autres années présidentielles ? Le baromètre effectué en mai 2002 montrait un taux d'adhésion aux idées défendues par le parti d'extrême droite de 28 %, quand 71 % des personnes interrogées se déclaraient en désaccord. L'étude précédente, réalisée en 2000, voyait 17 % des Français se déclarer en accord avec les idées portées alors par Jean-Marie Le Pen, contre 80 % affirmant le contraire.

Les résultats du baromètre de 2002 correspondaient alors aux niveaux les plus hauts d'adhésion aux idées du Front national, que le parti avait atteint entre 1991 et 1996. 2002 reste évidemment une année de référence pour le FN puisque c'est lors de cette élection présidentielle que Jean-Marie Le Pen avait réussi à se qualifier pour le second tour face à Jacques Chirac. Un tour de force que Mme Le Pen entend reproduire cette fois-ci.

En décembre 2006, le taux d'adhésion aux idées frontistes était de 26 % (70 % en désaccord). L'élection présidentielle de 2007 avait été un mauvais cru pour Jean-Marie Le Pen, qui avait à peine dépassé les 10 % des suffrages exprimés. En effet, un grand nombre d'électeurs frontistes avaient porté leurs voix sur la candidature de Nicolas Sarkozy, dont la campagne électorale avait été marquée par une "droitisation"du discours. C'est cette droitisation qui peut expliquer que le taux élevé d'adhésion aux idées défendues par Jean-Marie Le Pen ne se soit pas transformé alors en suffrages pour le dirigeant historique du FN.

EN 2002, 70 % CONSIDÉRAIENT LE FN COMME UN DANGER, 53 % AUJOURD'HUI

En 2002, 40 % des personnes interrogées approuvaient les prises de position de M. Le Pen sur la sécurité et la justice (32 % en 2006 et 35 % aujourd'hui). Concernant les prises de position quant aux immigrés, ils étaient 27 % à les approuver en 2002, 24 % en 2006 et 25 % aujourd'hui, des chiffres relativement stables.

L'une des grandes différences avec les autres enquêtes réalisées juste avant un scrutin présidentiel est la perception du danger du FN. C'est le marqueur le plus fort de la banalisation du Front national.

En mai 2002, 70 % des personnes interrogées estiment que le parti lepéniste représente "un danger pour la démocratie" (65 % en décembre 2006). Aujourd'hui, ce chiffre tombe à 53 %, pratiquement son niveau le plus faible depuis 1985 (50 % en 1985, 52 % en 2010).

Pour Edouard Lecerf, directeur général de TNS Sofres, "on a, depuis 2002, vécu avec la crainte d'un nouveau 21 avril. Ce que l'on mesure aujourd'hui, c'est qu'il peut y avoir, chez certains électeurs, l'espoir d'un nouveau 21 avril cette année."


Marine Le Pen chiffre son projet présidentiel, l'Europe et l'immigration dans le viseur 12.01.12 | 18:24 | LEMONDE.FR avec AFP

Marine Le Pen a présenté, jeudi 12 janvier, le chiffrage de son projet pour 2012, opposant "bonne" et"mauvaise" dépense publique, et promettant de désendetter la France grâce à la sortie de l'euro et au protectionnisme national.

A bientôt trois mois du premier tour, la présidente du Front national entendait ainsi jouer la carte du concret et de la crédibilité pour mieux attaquer le "flou" de ses adversaires, François Hollande, Nicolas Sarkozy et François Bayrou. "Quand les autres grands candidats en sont encore à l'incantation (...) je trace mon sillon, je propose à la France, en toute transparence, un projet complet, cohérent, fourni", a-t-elle assuré, au siège du part à Nanterre.

Deux heures durant, Marine Le Pen et deux de ses conseillers économiques ont ainsi abreuvé les journalistes de chiffres et de longues démonstrations techniques visant à crédibiliser le projet.

TAXE DE 3 % "SUR L'ENSEMBLE DES BIENS ET DES SERVICES IMPORTÉS"

Au chapitre de la "bonne" dépense publique, Marine Le Pen a promis des budgets en hausse à horizon 2017 notamment pour la sécurité (+ 1,2 milliard d'euros), la justice (+ 8,5 milliards euros) ou le pouvoir d'achat (+ 64,6 milliards euros). Elle a réaffirmé sa volonté d'augmenter de 200 euros net tous les salaires inférieurs à 1,4 fois le Smic (environ 1 500 euros net par mois), grâce à une exonération de charges sociales du même montant que l'Etat prendrait en charge.

La mesure serait financée par une taxe de 3 % "sur l'ensemble des biens et des services importés" en France, qui rapporterait 74 milliards euros.

Au chapitre des économies sur la"mauvaise" dépense publique, une moindre contribution de la France au budget de l'Union européenne est censée rapporter 11,7 milliards d'euros à horizon 2017, le retour à la monnaie nationale 87,6 milliards euros, la lutte contre les fraudes sociales et fiscales 67,2 milliards euros et l'immigration 40,8 milliards euros. Le total des gains grâce au protectionnisme atteindrait 115 milliards euros.

Sur le volet immigration,"l'expulsion systématique de tout clandestin" est censée rapporter 2,5 milliards d'euros sur cinq ans. La suppression des allocations familiales aux étrangers rapporterait pas moins de 18 milliards d'euros.

RETOUR AU FRANC

Alors que l'un de ses conseillers économiques, Thibaut de la Tocnaye, Marine Le Pen a parlé de"sortie de l'Europe de Bruxelles", elle a plutôt promis de"déconstruire" ce modèle européen à travers des "renégociations" des traités.

Pour résorber la dette de l'Etat français environ 1 700 milliards EUR aujourd'hui , le projet frontiste passe par le retour au franc et la possibilité pour la banque de France de créer de la monnaie à hauteur de 100 milliards d'euros par an. Marine Le Pen a réfuté les risques d'inflation mis en avant par les économistes en cas de fonctionnement de "la planche à billets".

De même, le projet ne prend pas en compte les éventuelles mesures de rétorsion que pourraient prendre d'autres pays contre une France protectionniste. "Mettre en place un protectionnisme intelligent est une mesure de rétorsion. Nous sommes les seuls à ne pas le faire", a répondu Mme Le Pen.



Coût de l'immigration, l'impossible chiffrage 13.01.12 | 10:37 | LE MONDE Elise Vincent

L'entreprise de chiffrage du coût de l'immigration dans laquelle s'est lancée Marine Le Pen, jeudi 12 janvier, est difficile à évaluer en soi. Depuis longtemps, les chercheurs du monde entier se penchent sur cette question mais, contrairement à ce que suggère la lecture de programme de la présidente du FN, aucun n'a réussi à trancher le débat du rapport"coût-bénéfice" des migrations.

En retenant le chiffre de 40 milliards d'euros d'économies potentielles en cas de réduction drastique des flux migratoires, Mme Le Pen se situe dans la fourchette la plus haute des évaluations sur le sujet. Tous les économistes sérieux qui ont travaillé la problématique sont plutôt arrivés à la conclusion que l'immigration avait soit un impact"légèrement positif" sur le budget des Etats, soit "légèrement négatif".

L'impact que peuvent avoir les immigrés sur certaines dépenses sociales comme les allocations chômage les études montrent qu'ils sont plus exposés à l'inactivité que les natifs est généralement compensé par leur plus faible poids sur le système des retraites, par exemple. Leur espérance de vie est souvent plus faible et leurs carrières plus précaires.

IMPACT POSITIF DE L'IMMIGRATION

Sur le fond, beaucoup de mesures d'économies proposées par Mme Le Pen sont par ailleurs impossibles à mettre en oeuvre pour des raisons juridiques et constitutionnelles, en l'état.

C'est le cas, par exemple, de"l'expulsion systématique de tout clandestin" (5,5 milliards d'économies supposées) ou la"suppression du regroupement familial" (2,5 milliards), régies par les conventions internationales sur les droits de l'homme.

De même, des dispositions proposées par le FN pourraient exposer la France à des mesures de rétorsion diplomatiques et économiques. C'est le cas de la"remise en cause des accords de Schengen" ou la "suppression des aides au développement" aux pays qui ne "coopèrent pas en matière d'immigration".

De façon plus générale, le chiffrage de Mme Le Pen ne prend pas en compte l'impact positif de l'immigration, décrit par les économistes, sur le "taux de croissance potentielle". Celui-ci se définit comme le produit de la variation de la population active par les gains de productivité.



Marine Le Pen prend pour cible les "intégristes" au nom de la laïcité 15.01.12 | 19:02 | LEMONDE.FR Abel Mestre


Marine Le Pen veut être la candidate de la laïcité. Mais d'une laïcité déclinée selon les fondamentaux du Front national et qui se résume, au bout du compte, à la condamnation de certaines pratiques de l'islam. Ainsi, dimanche 15 janvier, à Grand-Quevilly, dans la banlieue de Rouen (Seine-Maritime), la candidate du FN a promis que, si elle était élue à la présidence de la République, elle ferait une"application stricte" de la loi de 1905.

"Immédiatement, les prières de rue (...) prendront fin. Il ne sera plus question de financer par un biais détourné la construction des mosquées (...). C'est bien ça la République et certainement pas les reculades permanents du couple Sarkozy-Guéant habitués à se coucher devant toutes les revendications communautaristes. (...) Trop de laisser faire, trop de démissions, trop de laxisme ont miné la République française et la laïcité ", a-t-elle notamment lancé.Avant de se faire menaçante : "Les intégristes doivent savoir qu'ils trouveront face à eux et pour la première fois depuis des décennies, un pouvoir extrêmement déterminé".

Pour faire cela, Mme Le Pen propose la création d'un ministère de l'immigration et de la laïcité. En accolant ces deux termes, la présidente du parti d'extrême droite dévoile sa grille d'analyse : les atteintes à la laïcité et le communautarisme sont le fait de l'islam dont la présence en France est le fruit d'une "immigration massive" qui serait "un facteur de tensions et de division". Un amalgame que Mme Le Pen a répété à plusieurs reprises lors de son discours de dimanche, comme lorsqu'elle affirme que "laïcité sera d'application plus aisée quand nous aurons stoppé l'immigration".

Un discours qui a laissé place à certaines mesures préconisées par Mme Le Pen dont on ne sait pas la manière dont elles pourraient être appliquées. Il en va ainsi de l'interdiction de porter le voile ou"tout autre signe religieux ostentatoire" pour les usagers des"services publics administratifs dépendants de l'Etat ou des collectivités territoriales".

CONTRE LE "MULTICULTURALISME"

La candidate à l'Elysée en a aussi profité pour railler la proposition d'Eva Joly sans nommer l'ancienne juge de créer un jour férié pour Kippour ou l'Aid el-Kebir. N'ayant pas peur de la contradiction, Marine Le Pen a, sur fond de la "skyline" de Rouen faite de clochers, rappelé que la France plongeait "ses racines dans le christianisme. C'est (...) notre histoire, notre identité".

Mme Le Pen a aussi vilipendé devant les 1 500 personnes qui se tassaient dans la salle, "le relativisme culturel", le"multiculturalisme", en général et celui dont elle accuse "l'UMP, le PS, le MoDem, les Verts", qu'elle englobe tout comme les questions d'économies dans le mot valise de"mondialisme".

Un mondialisme et son vecteur le communautarisme contre lequel Mme Le Pen estime que la seule défense est la nation et l'identité nationale. "Le mondialisme, ce n'est pas seulement un système économique sauvage (...), c'est aussi une idéologie qui va au-delà de la simple mondialisation et qui vise à uniformiser les cultures, à encourager le nomadisme la circulation permanente d'hommes déracinés d'un continent à l'autre à les rendre interchangeables, en somme à les transformer en anonymes", a déclaré Marine Le Pen. Et de reprendre : "Dans leur système l'individu ne compte plus en tant que tel. On n'est plus qu'une unité de production ou de consommation, dans un monde sans frontières où les territoires se valent." Face à cela, Mme Le Pen entend mettre en avant la seule communauté qui vaille à ses yeux, à savoir "la communauté nationale".

"La négation des identités nationales, l'immigration massive, le multiculturalisme comme doctrine, le communautarisme, tous ces fléaux contemporains participent du projet mondialiste. C'est le versant culturel de ce projet qui consiste à transformer chaque territoire, chaque nation, chaque peuple dans un magma mondialisé vide de toute identité et où règne en maître celle du commerce", a continué Mme Le Pen. Un raisonnement qui rappelle les analyses des penseurs de la Nouvelle droite (courant de pensée notamment hostile au multiculturalisme) et de son fer de lance, le GRECE (Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne).

"RETOUR DE BOOMERANG" DES "MENSONGES" DE SARKOZY

Au début de son discours, Marine Le Pen est notamment revenue sur la perte du AAA de la France et sur les mesures qu'elle préconise sortie concertée de l'Euro, monétisation de la dette, entre autres. Elle a aussi très durement attaqué M. Sarkozy, lui prédisant un "retour de boomerang" de ses"mensonges""Le mensonge est devenu industriel sous Nicolas Sarkozy[Il] a triomphé sur le mensonge, il a triomphé par le mensonge, et c'est par le mensonge qu'il chutera", a-t-elle notamment affirmé.

A quelques encablures du site de Petroplus, qui doit fermer, Mme Le Pen a raillé les "assassins qui revenaient sur le lieu de leur crime", à savoir les leader politiques qui se sont succédés au chevet des 700 salariés promis au chômage. Pour Mme Le Pen, les partis de gouvernement sont "tous coupables de ces fermetures d'usine".


jeudi 12 janvier 2012

Eva Joly favorable à un jour férié pour Kippour et l'Aïd-el-Kebir 11.01.12 | 22:09 | LEMONDE.FR avec AFP

Eva Joly, candidate EELV à la présidentielle, a proposé, mercredi 11 janvier, qu'un jour férié soit accordé aux juifs et aux musulmans pour célébrer Kippour et l'Aïd-el-Kebir afin que "chaque religion ait un égal traitement dans l'espace public".

Lors d'une "Nuit de l'égalité" dans un Bataclan bien rempli, à Paris, entre vidéos, concerts, sketchs et débats, Mme Joly, après un hommage au journaliste Gilles Jacquier, mort en Syrie, a déclaré que "le rêve français pour (elle) est celui de la passion de l'égalité". Pour l'ancienne magistrate, "cette égalité, élément clé de l'identité nationale, a été mise à mal par cinq ans de présidence sarkozyste""Quand j'entends Claude Guéant et Marine Le Pen, j'ai mal à ma France, j'ai mal à notre France", a fait valoir la Franco-Norvégienne, parlant notamment de la circulaire sur les étudiants étrangers.

Sa "priorité du quinquennat pour l'égalité" sera "l'égalité territoriale",car "les habitants des banlieues ou des zones rurales ont le droit d'être traités dignement". Concernant l'éducation, elle a plaidé pour "une nouvelle carte scolaire" pour"combattre l'apartheid scolaire". En matière d'égalité hommes-femmes, elle a proposé que "pas un euro d'argent public" n'aille à une entreprise "qui pratiquerait une inégalité de salaires" entre les genres.

UNE CAMPAGNE PLUS LISIBLE

Côté laïcité, pour que "chaque religion ait un égal traitement dans l'espace public", Mme Joly, se référant au rapport Stasi (PDF), a souhaité que "juifs et musulmans puissent célébrer Kippour et l'Aïd-el-kebir lors d'un jour férié", car alors "l'égalité et la laïcité auront avancé dans notre pays", selon elle.

Elle s'est aussi dite favorable à des"statistiques de la discrimination","instrument utile pour permettre demain un même accès à l'emploi, à la santé, au logement, voire aux responsabilités politiques". Celle qui entend "représenter la France qui n'est pas bien née" s'en est, une nouvelle fois, prise à Marine Le Pen (FN), dont "le projet porte en lui-même la fin de la France", selon elle.

Par ailleurs, dans la journée, un séminaire stratégique s'était réuni autour d'Eva Joly pour faire le point sur sa campagne alors que la candidate plafonne à 3 ou 4 % d'intentions de vote dans les sondages. Conclusion, il lui faut, selon plusieurs participants, mener"une campagne plus lisible", avec"plus de cohérence", en recentrant les thématiques sur les questions d'écologie, d'emploi, de réindustrialisation et d'Europe. Mme Joly doit d'ailleurs détailler vendredi ses propositions pour l'emploi.



Jour férié pour les fêtes juives et musulmanes : la proposition de Joly très critiquée 12.01.12 | 17:44 | LEMONDE.FR avec AFP


A gauche comme à droite, chez les athées comme chez les croyants, et jusqu'au sein de son propre parti, de nombreuses voix s'élèvent, jeudi 12 janvier, pour dire leur opposition à la proposition formulée mercredi par la candidate d'Europe Ecologie-Les Verts Eva Joly que "juifs et musulmans puissent célébrer Kippour et l'Aïd-el-kebir lors d'un jour férié".

Cela afin que, selon la candidate,"chaque religion ait un égal traitement dans l'espace public".Cette idée, qui n'est pas dans le programme d'EELV, avait été émise en 2003 dans le rapport de la commission Stasi sur la laïcité.  Ainsi, "l'égalité et la laïcité auront avancé dans notre pays", a déclaré Eva Joly lors d'une soirée organisée mercredi par EELV, la "Nuit de l'égalité", qui proposait vidéos, concerts, sketchs et débats dans la salle de spectacle parisienne du Bataclan, bien remplie.

Jeudi matin, José Bové, un de ses porte-parole, a précisé sa pensée : il s'agit de "choisir à la place de Noël ou de Pâques les jours fériés de sa propre religion. Pas question de rajouter des jours fériés supplémentaires pour tout le monde, ça n'aurait pas de sens", a dit l'eurodéputé sur RTL.

"HISTOIRE CHRÉTIENNE"

Le ministre de l'enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, a tiré le premier jeudi matin, indiquant que la proposition d'Eva Joly ne correspondait "pas à (sa) vision de la laïcité" dans un pays à"l'histoire et aux racines chrétiennes""La tolérance dans ce pays ne se construit pas sur la négation de ce qu'est notre histoire. On a une histoire qui est une histoire chrétienne, qui aboutit à un certain nombre de jours fériés dans notre calendrier", a affirmé M. Wauquiez sur RMC et BFMTV. "Je ne crois pas qu'il faut commencer à dire: 'on va oublier Noël, on va oublier le 15 août', pour ne plus fâcher personne."

La candidate du Front national,Marine Le Pen, a accusé Eva Joly de ne défendre que des "mesures francophobes""Il y a quelques jours, elle nous expliquait que Jeanne d'Arc, l'une des patronnes de la France, est un symbole ultranationaliste. Elle nous expliquait que le 14-Juillet était insupportable", a dit Mme Le Pen , interrogée en marge d'une conférence de presse sur le chiffrage de son projet présidentiel."Je me pose la question de savoir ce que Mme Joly trouve de bien dans la France, son peuple, ses traditions, ses moeurs, son histoire, les codes qui nous font vivre ensemble. C'est quand même étonnant pour une candidate à l'élection présidentielle", a ajouté la candidate FN.

Membre de l'équipe de campagne de François Hollande (PS), Michel Sapin a également pris ces distances avec la proposition. "Je comprends la préoccupation, le respect qu'on doit avoir pour l'ensemble des religions (...) La République respecte toutes les religions, elle n'en reconnaît aucune. La France a à la fois une tradition qui a abouti à un certain nombre de fêtes religieuses, elle a par ailleurs un grand principe, celui de la laïcité, il faudrait qu'Eva Joly se souvienne toujours de ce principe de laïcité."

Le Parti radical de gauche a déploré qu'elle "confonde laïcité et clientélisme communautariste".

Même le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, s'est montré sceptique, jugeant "louable" cette proposition, mais ne pensant pas qu'elle "puisse trouver une traduction dans le cadre législatif français". Il a d'ailleurs rappelé que"des dispositions administratives existent dans le service public pour accorder des autorisations d'absence" pour les grandes fêtes religieuses de chaque confession, mais que "cette autorisation est diversement appliquée" dans le secteur privé.

CRITIQUE D'UN PORTE-PAROLE D'EELV

La proposition a enfin suscité l'hostilité au sein même d'Europe Ecologie-Les Verts. Pascal Durand, un des porte-parole d'EELV, a ainsi déclaré jeudi qu'à"titre personnel", il était opposé à cette idée. "Cette question relève essentiellement de la campagne, la position d'Eva Joly n'est pas dans le programme d'EELV", a-t-il dit lors d'un point-presse.

"Je pense que c'est une proposition de nature à remettre en cause certains éléments du contrat collectif républicain, a-t-il estimé.Porter atteinte au principe de laïcité en demandant à la République d'instaurer de nouveaux jours fériés directement liés aux religions des personnes qui pourraient les revendiquer, je pense qu'il faut y réfléchir""ça mérite un vrai débat", selon M. Durand qui s'est dit "défavorable" à cette proposition.

Mais "Eva Joly est parfaitement légitime à porter cela dans le débat présidentiel""la candidate a le droit de porter des sujets qui lui sont chers", a-t-il assuré, faisant valoir que plutôt que de parler de jours fériés, il fallait se pencher sur les conditions d'exercice de la religion musulmane en France, qui"ne sont pas décentes".


mercredi 11 janvier 2012

Immigration: Guéant toujours plus en phase avec Le Pen


MEDIPAPART, 10 JANVIER 2012 | PAR CARINE FOUTEAU

« Cette politique de fermeture… euh de fermeté », en un lapsus Claude Guéant a résumé sa politique en matière d'immigration.

Ses projets pour l'avenir sont à l'avenant. Toujours plus d'expulsions, poursuite de la réduction des entrées légales via des quotas, davantage de verrous au rapprochement des conjoints de Français, une réforme du système d'asile « engorgé par les demandes infondées » : l'ex-secrétaire général de l'Élysée n'est pas le candidat du Front national, mais cela ne l'empêche pas de raser gratis à quelques semaines de l'élection présidentielle, tout en se défendant de toute « instrumentalisation ».

Lors de la présentation de son bilan sur la politique menée à l'égard des étrangers, mardi 10 janvier place Beauvau à Paris, le ministre de l'intérieur a commencé par s'offusquer que ses pratiques lui soient reprochées. « Certains commentateurs, plus ou moins bienveillants, ne retiennent que les chiffres, ce qui conduit l'opposition à critiquer une 'politique du chiffre' sur laquelle nous serions prétendument focalisés (…). Notre politique ne se réduit pas à des chiffres », a-t-il insisté. « Même s'ils sont très bons ! », a-t-il néanmoins glissé. 

Zélé, Claude Guéant, et content de lui. En 2011, selon les statistiques officielles, 32 912 mesures d'éloignement ont été exécutées, soit plus que ce qui lui avait été commandé. « En début d'année, rappelle-t-il, l'objectif fixé aux services était de 28 000 mesures d'éloignement. En juillet dernier, j'avais décidé de relever cet objectif à 30 000 mesures. En 2011, (…) ce résultat est le plus élevé jamais atteint. »

Outre le fait que cette politique a un coût budgétaire élevé, le ministre ne précise pas qu'il doit son « succès » aux Roms et aux Tunisiens. Près d'un tiers des reconduites à la frontière sont en effet constituées de « retours aidés », c'est-à-dire accompagnés d'une somme d'argent et proposés, voire imposés, majoritairement à des ressortissants européens de nationalité roumaine ou bulgare, qui ont le droit de revenir en France quand ils le souhaitent, selon la législation de l'UE. Quant à son soutien aux révolutions arabes, il s'est traduit par l'interpellation, selon ses chiffres, de 8 000 à 9 000 Tunisiens, parmi lesquels 5 000 ont été expulsés dans leur pays d'origine ou en Italie.

Sur sa lancée, Claude Guéant a indiqué avoir fixé l'objectif à 35 000 en 2012. « Au regard de la situation dans leur département, les préfets seront avisés personnellement de la déclinaison départementale de cet objectif d'ici quelques jours », a-t-il déclaré, contredisant son propos introductif sur la politique du chiffre.

 

« Ceux qui prétendent l'être et qui ne le sont pas »

À la « tolérance zéro sur l'immigration clandestine », s'ajoute l'objectif de poursuivre la baisse des arrivées légales. Selon ses estimations, 182 595 premiers titres de séjour ont été délivrés en 2011, soit un recul de 3,6 % par rapport à 2010, après une hausse continue depuis 2007. Ce qu'il omet de rappeler, c'est que le volume des migrations, à l'échelon international, se réduit en raison de la crise économique et sociale, comme le confirment les rapports annuels de l'OCDE consacrés à cette question. Claude Guéant lui estime que « ce résultat est à relier directement à notre réforme du regroupement familial ». Il entend d'ailleurs poursuivre le mouvement en visant 150 000 entrées annuelles.

Pour ce faire, le ministre a pensé à une « nouvelle méthode », ressortant le projet de quotas d'immigration par « types » (professionnelle, familiale, étudiants, etc.) voulu par le chef de l'État lorsqu'il était ministre de l'intérieur, longtemps débattu mais remisé une fois que Nicolas Sarkozy a été élu. Prudent, Guéant a reconnu qu'il était un peu tard pour lancer une réforme constitutionnelle, reportant cette possibilité au prochain quinquennat.

« C'est la fierté de la France que d'accueillir les personnes opprimées dans le monde », a lancé le ministre à propos du dispositif d'asile, focalisant son attention sur les « demandes infondées », les « abus », les « détournements », les « demandes formulées à des fins d'immigration économique qui s'appuient fréquemment sur des filières organisées » ou encore « ceux qui prétendent l'être et qui ne le sont pas ».

Dans un récent communiqué de presse, adressé indirectement à Marine Le Pen, dans lequel il se propose de « rétablir la vérité sur les chiffres de l'immigration », il souligne que la proportion de demandeurs d'asile ayant obtenu le statut est en baisse, passant de 19 % en 2010 à 18 % en 2011. Et quand, lors de la conférence de presse, il s'engage à réduire les délais d'instruction, sa préoccupation n'est ni d'amoindrir le calvaire des demandeurs d'asile, ni de fluidifier le travail des agents de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), mais de « faciliter le retour des personnes déboutées » car « sinon c'est de plus en plus difficile d'expulser les gens ».

En matière d'intégration, renonçant définitivement à l'idée d'efforts mutuels, il a répété que « c'est aux étrangers de s'adapter à nous et non l'inverse » au motif que « nos concitoyens refusent de se laisser imposer des règles de vie qui ne sont pas les nôtres ». Il a souhaité qu'en cas de non-respect du « contrat de responsabilité parentale », les étrangers se voient refuser le renouvellement de leur titre de séjour.

Concernant la nationalité, il s'est vanté d'une baisse de 30 % des naturalisations en 2011, celles-ci chutant de 94 500 à 66 000 sur un an, à la suite du durcissement des conditions d'octroi et du transfert de compétences aux préfectures. Et cela, alors même que la droite a mis en avant, cet automne, ce processus pour mieux rejeter le droit de vote des étrangers aux élections locales.

Deux ans après le séisme qui a ravagé Haïti, interrogé sur la promesse faite par Éric Besson d'assouplir le regroupement familial à l'égard des ressortissants de ce pays, le ministre a renvoyé vers le ministère, qui a fait savoir que les admissions au séjour avaient augmenté (de 45,6 %), de même que la délivrance de visas de court et de long séjour, en 2010 par rapport à 2009, sans préciser si ces évolutions s'étaient poursuivies. Mais les chiffres de base étaient si faibles que cela n'empêche pas des drames à répétition, selon des associations comme RESF et la Ligue des droits de l'homme, qui continuent de dénoncer le « chemin de croix bureaucratique »imposé par l'ambassade de France « interdisant aux familles de se retrouver » et la reprise des expulsions d'Haïtiens depuis la Guadeloupe, autrement dit à l'abri des regards.

Au total, les seuls à avoir bénéficié d'une mini-clémence de la part de Claude Guéant sont les étudiants étrangers, qui, à l'issue de plusieurs mois de contestation relayée par des universitaires, des scientifiques et des patrons, ont obtenu de n'être pas reconduits à la frontière... le temps que leur dossier soit réexaminé.