SOMMAIRE

Rechercher dans ce blog

jeudi 9 août 2012

A Sète, le swing oriental de Maurice El Medioni



Sète (Hérault) Envoyé spécial
A presque 85 ans, le pianiste cultive avec le collectif El Gusto le souvenir d'une Algérie fraternelle




Youyous, battements de mains, anches ondulantes, au masculin comme au féminin... Le 7 août, à Sète, le Théâtre de la mer a pris des allures de cabaret oriental pour la soirée " Alger/Oran " proposée par le festival Fiest'à Sète. En ouverture de programme, avant l'ensemble El Gusto, un homme et son piano, accompagné de deux percussionnistes, chantait en blaguant sa nostalgie, la saveur douce-amère de ce sentiment ambivalent que peut inspirer l'exil.

Né en 1928 à Oran, " la radieuse ", ville portuaire située dans le nord-ouest de l'Algérie, Maurice El Medioni, créateur du " piano oriental " (mélange ambré de swing, d'arabo-andalou et de rythmes cubains ou latino-américains) est la figure la plus célèbre du fraternel collectif El Gusto. Cet ensemble réunit des vétérans juifs et musulmans d'Algérie que l'histoire avait séparés. Ils interprètent du chaâbi, genre populaire né dans la casbah d'Alger, ayant connu son âge d'or dans les années 1930-1940, grâce, en particulier, à Mohand Ouyidir Halo, au surnom d'El-Anka (le phénix). De la terrasse de son hôtel surplombant la mer écrasée de soleil, le lendemain du concert, Maurice El Medioni, attablé avec son copain Luc Cherki, un des derniers chanteurs juifs d'Algérie, né dans la casbah d'Alger, en 1933, arpente ses souvenirs.

C'est un papy heureux. Il vient de marier sa petite-fille à Tel-Aviv, où il vit depuis un an. Il s'y est posé la première fois en 1961. " L'Algérie était à feu et à sang. J'avais peur pour mes enfants et moi-même. Je ne voulais pas venir en France, car nous redoutions que n'y éclate une guerre civile. Mais je n'ai pas pu m'acclimater alors en Israël. "

Nostalgique

Au bout de quelques mois, il part rejoindre ses camarades musiciens qui le sollicitent à Paris. En 1967, direction Marseille. Trop de froid, trop de pluie à Paris. " Je voulais me rapprocher de mon climat méditerranéen. J'ai ouvert un commerce de vêtements masculins avec mon frère aîné sur la Canebière, qu'on appelait à l'époque "la zone d'élégance de Marseille". Les choses ont bien changé. "

Maurice El Medioni se montre nostalgique d'une époque où, en Algérie, avant l'indépendance, les relations entre Juifs et Arabes se vivaient dans une fraternelle fluidité. Pour le futur, il formule un voeu. Le même, depuis des années. " Retrouver une fraternité entre Juifs et Arabes. " Verra-t-on un jour El Gusto à Tel-Aviv ? " J'en rêve. Mais mes camarades musulmans auront peur de venir. " Peur de se faire éliminer au retour, pour être allés jouer et chanter chez l'ennemi viscéral. Et El Gusto à Alger ou Oran ? " Si cela se fait, ce sera sans moi. Je redoute les intégristes. Qu'ils m'assassinent parce que je suis connu, et pour que ça fasse tache d'huile. Comme ils l'ont fait avec le beau-père d'Enrico Macias - le chanteur et joueur d'oud Cheikh Raymond, tué par balle le 22 juin 1961 à Constantine - . "

Patrick Labesse

Prochains concerts d'El Gusto, avec Maurice El Medioni

: le 9 août, à Vence (Nuits du Sud), le 18 octobre, à Sochaux (Maison des arts), le 20 octobre à Marseille (La Fiesta des Suds).

© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire