Lundi 15 décembre après-midi, le chef d'Etat prononcera son premier discours du quinquennat sur l'immigration. François Hollande a donné rendez-vous aux associations au Musée de l'histoire de l'immigration, dans le Palais de la Porte Dorée, à Paris. Le même jour, le Collectif Livre noir manifestera contre le traitement réservé par la France aux étrangers. C'est à l'aube que les défenseurs du droit des étrangers ont prévu de se retrouver, devant la préfecture de Bobigny.

Le nombre de rendez-vous quotidiens est tellement réduit à la préfecture de Seine-Saint-Denis que les étrangers dorment sur place pour espérer être reçus. Pourtant, le gouvernement Valls a donné des consignes aux préfectures, fait faire un audit sur l'accueil des étrangers… sans empêcher qu'ici ou là les vieilles habitudes affleurent à nouveau, ramenant certains lieux à « un fonctionnement pas si éloigné de l'ère Sarkozy », comme le dénoncent certains avocats. A la limite près, tout de même, que plus aucun migrant venu demander un titre de séjour ne repart encadré par des policiers comme c'était le cas sous la mandature précédente.

La politique menée par la gauche depuis 2012 se caractérise par cette réalité de terrain mitigée : un petit mieux, qui ne ressemble pas à un vrai changement. Le gouvernement veut apparaître plus humain que la droite au pouvoir entre 2007 et 2012, mais est terrorisé par l'idée qu'on puisse le qualifier de laxiste sur ce sujet qui hystérise le pays. Tout ce qui s'est passé depuis mai 2012 est gravé du sceau de cette extrême prudence, qui fait pencher successivement les actes d'un côté puis de l'autre.

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Ambiguïté du positionnement gouvernemental.

L'affaire Leonarda, en octobre 2013, illustre bien toute l'ambiguïté du positionnement gouvernemental. Oui, la loi a bien été respectée, mais Leonarda Dibrani, adolescente renvoyée avec sa famille au Kosovo, s'est ensuite vue proposer de revenir seule en France, par le chef de l'Etat en personne.

Quelques mois auparavant, Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, avait précisé que« les Roms qui vivent en campement refusent de s'intégrer et ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie ». C'est le même homme qui avait abrogé la circulaire Guéant qui restreignait la possibilité de travailler en France pour les étudiants étrangers diplômés. Le même aussi qui avait promulgué la circulaire du 28 novembre 2012 donnant droit à des titres de séjours à certains parents d'enfants scolarisés en France ; avait même discuté avec les associations à l'été 2012 un texte promettant la fin des évacuations de camps de Roms.

On peut attribuer la gêne du gouvernement au clivage qui divise ses deux ailes, droite et gauche. Reste que la frilosité du chef de l'Etat sur le sujet a aussi des répercutions évidentes sur la politique menée.

Dans son programme de campagne, en 2012, François Hollande avait inscrit la promesse d'autoriser le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, et de mettre fin à la présence d'enfants en centres de rétention. L'« oubli » de la proposition 50 sur le vote, doublé de l'absence durant trente et un mois d'un discours assumé sur l'immigration ont terriblement déçu le milieu associatif. D'autant que la loi sur l'asile a été repoussée de mois en mois, tout comme celle plus générale sur l'immigration.

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Lois asile et immigration

Cette fois, les choses redémarrent. La loi sur l'asile vient de passer en première lecture à l'Assemblée nationale, et la loi immigration est attendue au printemps 2015. La première devrait permettre un traitement plus digne (à condition que les moyens suivent) aux candidats au statut de réfugié en France, sans pour autant accroître le nombre de titres délivrés au nom du droit d'asile.

La seconde fait déjà grincer des dents, avant même sa discussion. L'octroi du titre de séjour restera tout aussi restrictif – il a concerné moins de 12 000 personnes en 2013. Certes, des titres de séjours pluriannuels, de trois ou quatre ans, vont voir le jour, mais, la carte de résident de dix ans, qui avait été créée en 1984 sous François Mitterrand pour permettre l'intégration des immigrés, n'est pratiquement plus délivrée et ne fera pas son retour à cette occasion. C'est pourtant ce qu'attendaient certaines associations de la part d'un gouvernement de gauche. En 2013, à peine 17 000 cartes ont été accordées, contre 40 000 vingt ans avant.

Toute la politique du gouvernement tient dans cette retenue. A l'heure où la lutte contre l'immigration clandestine est jugée tout à fait importante par un français sur deux (sondage IFOP d'avril), le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, préfère communiquer sur les renvois de clandestins et le démantèlement de filières plutôt que d'appliquer une politique en ligne avec toutes les pétitions que la gauche a pu signer durant son séjour dans l'opposition.

La gauche au pouvoir essaie, sur ce sujet comme sur d'autres, l'exercice périlleux de tenir en équilibre dans une position de grand écart entre ses fondamentaux et le pragmatisme de ce qu'elle estime être la gestion des affaires.

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